CRITIQUE | FILM

MAY DECEMBER : un volte/face toxique

Critique | Todd Haynes se fait remarquer au Festival de Cannes 2023. Ici, Julianne Moore et Natalie Portman se livrent une bataille d'ego aussi toxique que dérangeante, pour notre plus grand plaisir.

SYNOPSIS

Il y a de cela presque vingt ans que Gracie Atherton a uni sa destinée à celle de Joe Yoo, un Américano-Coréen affichant une différence d’âge de vingt-trois ans. Leur histoire d’amour avait défrayé la chronique des magazines people, attirant l’attention en raison de cet écart générationnel marqué.

© May December

Actuellement installé à Savannah, le couple ouvre ses portes à Elizabeth Berry, une actrice qui se prépare à incarner Gracie sur le grand écran. Cette rencontre marque le début d’une exploration approfondie de la part d’Elizabeth pour assimiler tous les aspects de la vie de Gracie et ainsi se préparer au mieux pour son rôle cinématographique.

NOTRE CRITIQUE

Un film unique en son genre signé Todd Haynes. Le cinéaste américain audacieux, mais aussi brillant, franchit les limites du dérangeant pour nous surprendre. Un vrai pari gagnant.

Avec May December, il propose un récit aux frontières de l’acceptable où ses protagonistes se dévoilent dans un malaise presque palpable. On plonge dans un Volte/face féminisé de la version Nicolas Cage contre John Travolta. Parfaitement substitués par l’excellente Julianne Moore et l’intrigante Natalie Portman. Ces deux actrices, au top de leurs formes dans ce film, livrent presque en symbiose des performances majeures, tant pour la filmographie de Todd Haynes que pour l’expérience cinéma du public. Mais si elles sont fantastiques, que dire de Charles Melton qui propose une prestation exceptionnellement touchante. Il est le récit, il est l’acteur principal, mais Charles Melton démontre surtout qu’il faudra compter sur lui à l’avenir. Le casting est fabuleux, mais la réussite du film est également due à un scénario dense qui permet une exploration de toutes les facettes cringe de ces personnages. À travers ce jeu de rôles et ce duel, situés dans un vis-ma-vie sur la côte de Georgienne, Todd Haynes offre avant tout une opportunité de décortiquer le persona d’une ancienne star qui souhaite se racheter bonne conscience, d’un jeune adulte coincé dans l’adolescence, et d’une actrice de cinéma obnubilée par sa mission. Des personnages manipulés, manipulables, et une intrigue qui se moque allégrement d’une caste de petits privilégiés déconnectés. 

© May December

Là où d’autres films le font avec moins de subtilité, May December expose de manière flagrante la toxicité à long terme et l’emprise insidieuse qui se propage petit à petit dans un couple qui n’avait pas lieu d’être. Le personnage de Gracie exerce une pression quotidienne sur Joe, pris au piège dans une famille où il n’est pas vraiment à sa place, parfois même en le rabaissant et en l’humiliant. De l’autre côté, Elizabeth tente un mimétisme qui amplifie l’effet toxique, réveillant le traumatisme chez Joe. Tout est fait pour susciter une réaction épidermique chez le spectateur. Le temps n’efface pas l’impact des actes, ce n’est pas parce que Joe a vieilli que la différence d’âge ou le traumatisme ont disparu, au contraire, ils se sont répandus dans un couple complexe et tortueux. Pour accompagner ce récit sinueux, Todd Haynes opte pour une réalisation et une mise en scène hors des sentiers battus, presque parodiques par instants, nous faisant doucement rire pour temporairement oublier le mal profondément ancré. Un véritable shot acide qui jongle avec les masques sociaux et le chamboulement d’un choc qui perdure depuis longtemps. La musique joue un rôle tout aussi crucial dans le long-métrage, rythmant aussi bien la gravité que l’atmosphère parfois grinçante. Au final, on pourrait résumer May December par une seule phrase : qu’est-ce que je viens de voir ? Prime Vidéo

EN DEUX MOTS

Todd Haynes offre un récit intense et malaisant où Julianne Moore et Natalie Portman brillent dans un volte/face toxique, pendant que Charles Melton livre une prestation poignante. La mise en scène surprend (dans le bon sens) en créant parfois le rire nerveux, tout en dépeignant un propos douloureux (ou pitoyable). C’est génial.

4,5

Note : 4.5 sur 5.


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