CRITIQUE | FILM

LA BETE : Léa aux trois facettes

Critique | Après 'Nocturama' en 2016, 'Zombi Child' en 2019 et 'Coma' en 2022, Bertrand Bonello revient pour un dixième film avec une réappropriation de la nouvelle 'La Bête dans la jungle' d’ Henry James. Déjà adaptée plusieurs fois au cinéma comme au théâtre, avec en tête d’affiche Léa Seydoux pour cette fois-ci.

SYNOPSIS

En l’an 2044, époque ou l’intelligence artificielle à pris le pouvoir sur l’humanité est devenue plus productive que les êtres humains, Gabrielle se retrouve face à un dilemme : nettoyer son bagage génétique pour se débarrasser de ses émotions et traumatismes superflus pour acquérir un travail utilisant l’entièreté de ses capacités ou bien vivre la grande histoire d’amour de sa vie.

© La Bete

La Bête est un drame psychologique de science-fiction franco-canadien co-écrit et réalisé par Bertrand Bonello, sorti en 2023. Il s’agit d’une adaptation libre du roman court La Bête dans la jungle d’Henry James.

NOTRE CRITIQUE

Projet en sommeil depuis presque huit ans, d’abord retardé par le covid, puis la mort traumatique du regretté Gaspard Ulliel qui aurait incarné le rôle masculin principal, La Bête s’éveille finalement en 2024.

Après une adaptation plutôt mitigée de cette nouvelle par Patric Chiha, La Bête de Bertrand Bonello est une vraie réussite. La particularité de cette adaptation réside dans des déclinaisons sur trois époques et lieux différents : 1910, 2044 à Paris et 2014 à Los Angeles (qui d’ailleurs à une atmosphère très différentes des deux autres et fut tournée en dernier). L’actrice Léa Seydoux est tout simplement bluffante, elle s’abandonne complètement à la caméra et montre une grande vulnérabilité. Pour ce projet, on est au plus proche de ses émotions au creux de ses pressentiments. Le film est réalisé pour elle et avec elle de bout en bout comme une dissection de l’actrice sans arriver à un point de saturation, ce qui est assez fort pour un long-métrage de 2h25. Le suspens est également maintenu tout du long sur l’origine de cette « peur », telle une bête qui traque l’héroïne. Bertrand Bonello prend d’ailleurs le parti de remanier le titre en La Bête, un choix très pertinent qui soulève l’intrigue. L’acteur George MacKay n’est pas en reste et démontre également une grande variété de jeux, à la fois charmant et sensible en Louis de 1910 et glaçant et tordant en Louis de 2014.

© La Bete

La direction d’acteur est excellente, l’alchimie entre Léa Seydoux et George Mackay est parfaite. Leurs émotions sont presque palpables, on est constamment immergé dans l’intensité de leurs désirs et leur tendresse. S’ajoute toute en finesse Guslagie Malanda, découverte dans Saint Omer. Bien que n’ayant pas un grand temps d’écran, sa performance d’une intelligence artificielle dotée d’empathie marque et amène une douceur bienvenue dans ce drame éprouvant. Bertrand Bonello prend beaucoup de libertés par rapport à l’œuvre d’Henry James, autant sur l’écriture que l’aspect visuel : des jeux de pixels qui se décomposent à l’écran évoquant comme des bugs dans la matrice, des effets de montage retours en arrière qui déjouent nos attentes ou encore la présence assumée de fonds verts. Tous ces partis pris font de ce film un cocktail expérimental vraiment intéressant, jamais confus pour le spectateur ce tour de force réside dans les repères historiques qui permettent au tout de tenir et de se situer. Les références à des faits et des personnages réels comme la crue de la Seine ou encore le tueur Elliot O.Rodger montre une vraie réflexion sur la construction du film. Cette « ultra-réalité » d’éléments comme le dit lui-même le réalisateur, lui permet de construire une base concrète et accessible au spectateur pour pouvoir y amener des éléments plus fantastiques. Il y a effectivement un mix de plusieurs genres à la fois : le drame, le slasher et la science-fiction. Ce dernier est de fil conducteur amenant un champ de questionnements très vaste sur l’humanité et l’écoute de ses propres émotions. Finalement la vraie bête-ise n’est-ce pas de se refuser au bonheur ? Prime Vidéo

EN DEUX MOTS

La forme rend grâce au fond et aucun choix, tant sur le casting, le montage et la réécriture, n’est superflus. Léa Seydoux n’a jamais été aussi vulnérable et cynégétique à l’écran. On aura rarement vu un film qui aborde l’amour de façon aussi sensuelle et juste. Une très bonne surprise que l’on vous invite à découvrir en salle.

4,5

Note : 4.5 sur 5.


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