CRITIQUE | FILM

LE MOHICAN : le western corse

Critique | On connaissait le dernier des Mohicans, et bien voilà maintenant le dernier des bergers corses. Il est temps d’embarquer dans un périple westernien aussi séduisant que frustrant, réalisé par Frédéric Farrucci et avec Alexis Manenti.

SYNOPSIS


En plein été, Joseph, l’un des derniers bergers du littoral corse, voit son terrain menacé par un projet immobilier soutenu par des intérêts puissants. Refusant de céder, il sait que ce compromis marquerait la fin de son mode de vie. Mais lorsqu’il tue accidentellement l’homme envoyé pour le contraindre, il se voit obligé de fuir. Il devient alors la cible d’une traque implacable, qui s’étend du sud au nord de l’île.

© Le Mohican

Au fil des jours, la légende de Joseph, symbole d’une résistance jugée irréaliste, grandit, portée par sa nièce Vannina, et se répand dans toute la Corse… Le Mohican est un thriller dramatique français réalisé par Frédéric Farrucci. Il est présenté en avant-première au Portivechju Film Festival en 2024 et sort en salles le 12 février 2025.

NOTRE CRITIQUE

Six ans après La Nuit Venue, Frédéric Farrucci revient avec un long-métrage qui renoue avec ses terres d’origine : La Corse. Il tire ce nouveau récit d’une rencontre. Celle d’un ancien berger de l’île de beauté, qui doit se résigner à se séparer de ses terres.

Un héritage vieux de plusieurs générations que les spéculations foncières et la politique du tout-tourisme ont anéanti. Le portrait d’un homme auquel le réalisateur avait consacré un documentaire en 2017, lui donnant l’idée de créer une fiction pour dénoncer les actions malsaines et brutales qui mettaient un terme aux traditions ancestrales qui faisaient la fierté de la Corse. Une Corse que Frédéric Farrucci met au cœur de son récit, bien décidé à lui rendre sa splendeur et à la magnifier à chacun de ses plans. Ce qui est plutôt réussi. Avec beaucoup de pudeur et de passion, il parvient à faire ressortir toute la beauté et la richesse des reliefs naturels de ces terres éloignées. Chaque membre de l’équipe sur ce long-métrage, qu’ils soient professionnels ou non, est originaire de cette région et prend un plaisir immense à la faire vivre sur grand écran, et cela transparaît clairement. Un paysage sauvage sur lequel le réalisateur appuie toute la narration, car c’est un véritable western moderne qu’il dépeint à travers Le Mohican. Il profite pleinement de son environnement en y adaptant son style, cochant toutes les cases du genre. On y retrouve toutes ses récurrences, comme les guerres de territoires, les poursuites infernales, les duels à l’arme à feu, les plans américains, ou bien encore ce protagoniste taiseux qui agit contre son gré. Le tout a été modernisé, en particulier avec la caméra épaules et les longues focales, pour donner un aspect plus intime à cette histoire, plus sociale et surtout plus politique.

© Le Mohican

Parce que Le Mohican est avant tout un film politique qui met en lumière la violence qui règne en Corse, dominée par la mafia qui dicte ses propres règles. Pour cela, Frédéric Farrucci se sert d’un procédé copiste, mais efficace : la banalité de l’héroïsme. Celle de Joseph, brillamment interprété par Alexis Manenti, un homme ordinaire confronté à cette mafia pour protéger ses terres, devenant au passage une légende des réseaux sociaux, un symbole, un Mohican. C’est précisément à ce moment-là que le film se perd, pris au piège dans son envie de sobriété. Une fois la séquence clé terminée, le film se transforme en un survival movie ennuyeux qui accumule les clichés. Par exemple, les hommes de main de la mafia. De jeunes imbéciles en survêtement, banane en bandoulière et les cheveux laqués, criant sans arrêt : « Oh les gars… Le voilà !« , plutôt que de se rapprocher discrètement. Ou bien encore, notre héros qui fuit vers des endroits improbables, où ne pas le voir relève du miracle. Même dans sa mise en scène, les problèmes se multiplient. Il est question d’images fixes interminables sur des téléphones portables pour avoir suffisamment de temps pour lire des conversations longues comme le bras visant à dire des choses simples. Ou bien un montage approximatif qui néglige certains moments clés du récit. Pourtant, la mise en scène était très bien exécutée et efficace dans sa première partie, en utilisant habilement le hors-champs.

En réalité, le véritable souci réside dans la volonté du réalisateur d’aller à l’essentiel. En seulement 1h27, le film ne prend pas le temps de développer ses thématiques et enchaîne les séquences avec une importance égalitaire qui peine à refléter toute l’émotion et tout l’engagement souhaité. Au final, ce film, qui se veut politique et dérangeant, a du mal à atteindre ses objectifs et à convaincre pleinement.

EN DEUX MOTS

Un véritable western moderne qui témoigne de l’affection pour les traditions ancestrales de la région natale. Mais le film est aussi emporté par une volonté de sobriété et d’efficacité qui le bloque dans sa quête principale : être une œuvre politique visant à dénoncer une brutalité perpétuelle.

3

Note : 3 sur 5.


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