CRITIQUE | FILM

BRING HER BACK : le film d’horreur de 2025

Critique | Les youtubeurs et frères Philippou font leur retour avec 'Bring Her Back', un second long-métrage qui oscille entre drame psychologique et film d’épouvante, après un 'Talk to Me' ambitieux mais parfois flou dans son exécution.

SYNOPSIS


Après le suicide de leur père, deux orphelins, Piper et Andy sont placés dans un effrayant foyer d’accueil isolé, chez Laura, une mère de famille, et Oliver, son fils adoptif, un garçon étrange qui ne parle jamais.

© Substitution: Bring Her Back


Au fil des jours, Andy devient le témoin de phénomènes inquiétants et découvre qu’un rituel mystérieux est inscrit dans les murs de cette maison isolée qui leur sert désormais de refuge.

NOTRE CRITIQUE

C’était tout ce qu’il manquait au cinéma d’épouvante : dépasser ses limites pour revitaliser le genre et renouer avec un large public. Bring Her Back tâtonne, cherchant un équilibre subtil entre un récit poignant aux accents dramatiques qui interroge la posture maternelle et ses dérives morales, le combat de l’amour face au deuil, et une atmosphère plus sombre, oppressante, pleine de tensions palpables.

Le questionnement du genre filmique est un des gros points du long-métrage, comment le qualifier ? Un thriller horrifique qui oscille entre la perversion psychologique et une atmosphère mortifère, un récit d’épouvante où les démons sont une toile de fond imposante, un drame horrifique tant le fond surexposé à la mort est intense ? Un tas de questions sans réponses tant Bring Her Back se faufile entre les lignes, mais ne s’explique pas et n’en a pas la nécessité de le faire. À nouveau, les frères Philippou explorent le rapport à la mort. Après avoir abordé le spiritisme à travers une main dans leur précédent film, ils s’attaquent cette fois à l’idée de la permutation par la mort. Une substitution à double sens : remplacer pour prolonger, mais aussi substituer la figure maternelle. Piper et Andy sont présentés sans aucune trace de leur mère biologique, et Laura s’impose rapidement comme une figure de remplacement. Cette « seconde mère  » liée par un pacte diabolique, devient la source même de la violence, s’en prenant à deux adolescents fragilisés par leurs peurs et leurs handicaps.

© Substitution: Bring Her Back

Bring Her Back agit à l’usure, comme une corde qui s’effiloche peu à peu jusqu’à rompre. L’entrée en scène est frontale : un found footage qui annonce déjà la couleur et l’intensité promise alternant des images violentes et dérangeantes. Laura, mère adoptive perturbée dès sa première apparition, incarnée par la brillante Sally Hawkins, s’infiltre comme un poison, gagnant progressivement du terrain jusqu’à atteindre la maturité psychologique de ses proies. Elle occupe chaque recoin de la maison, domine son environnement et instaure une tension constante dans le quotidien de Piper et Andy. L’atmosphère devient d’autant plus oppressante que le personnage d’Oliver, à la fois muet et sombre, s’impose comme une terreur nocturne persistante -de celles qui hantent encore lorsque l’on ferme les yeux pour dormir. Dans Bring Her Back, l’horreur ne se donne pas toujours à voir frontalement : elle agit en sourdine, mais se fait pleinement sentir par le spectateur à travers une violence psychologique implacable, distillée par le dialogue, l’occupation de l’espace et l’expression corporelle.

© Substitution: Bring Her Back

Parce qu’au-delà d’un simple film du type « fais-moi peur », Bring Her Back aborde un sujet bien plus frontal : le deuil. Ce ne sont ni les jump scares, ni une entité démoniaque qui coupent le souffle, mais bien l’humain dans sa version la plus sombre : une mère hystérique et obsédée. Cette figure ambiguë, traversée de réalités profondément troublantes, marque davantage que n’importe quel monstre « classique ». Ici, le deuil n’est pas un simple prétexte scénaristique : il devient un concept central, structurant des rapports à l’autre complexe et révélant les traumatismes propres à chaque personnage. Dans une veine qui évoque Hérédité, Bring Her Back ne cherche pas à impressionner par sa lumière ou par les mécanismes classiques de l’épouvante, mais par l’intensité avec laquelle il explore son thème et par cette terreur mentale, lente et corrosive. C’est un mystère et une angoisse qui prend place et qui nous scotche à l’écran, car le malaise s’intensifie après chaque séquence d’un congélateur, au couteau, à la piscine, mais nous ne vous en dirons pas plus. C’est un récit empli de symbolisme ou l’eau (de vie) se heurte à la mort, ou encore le cercle (limite subsitutive) prend une grande part narrative.

La cerise sur le gâteau de la réussite de Bring Her Back réside dans son audace à échapper aux facilités narratives et à ne faire aucun cadeau à ses personnages, s’inscrivant pleinement dans ce principe implacable : ce qui doit arriver… arrive. Au lieu de souffler par anticipation, on souffle, car la tension est trop haute, et qu’on ne voit pas tellement la vitesse prochaine de ce qu’il pourrait arriver même si l’intensité passe un cap supplémentaire. Une force qui ne pourrait être la même si le casting n’était pas composé des révélations : Sora Wong, Jonah Wren Philips et Billy Barratt extrêmement bien dirigé. C’est un souffle nouveau pour le cinéma d’horreur moderne, à la croisée de l’épouvante et de l’horreur psychologique, sous haute-tension.

EN DEUX MOTS

Un récit horrifique qui se distingue en 2025 et mérite amplement le détour, porté par des ingrédients habilement dosés autour d’une fascination troublante pour la mort.

4

Note : 4 sur 5.


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(1 commentaire)

  1. Je reconnais toutes ces bonnes intentions, mais le rituel n’a pas fonctionné sur moi. J’ai trouvé l’écriture très peu subtile au contraire, bien trop frontale, annihilant toute forme de mystère, d’intrigue. Et ce dès l’ouverture dont tu as parlé. Dès lors, toute la mécanique de la peur ne repose plus que sur des gimmicks, des ressorts conventionnels qui auraient pu passer si l’histoire avait été autrement traitée. On a alors l’impression que les Philippou se complaisent dans l’horreur, font le concours de l’image choc, se sentent obligés de charger la mule de l’affliction. Heureusement pour eux, il y a Sally Hawkins qui livre une performance dont on la sait capable. Les autres comédiens sont également très bons, même si je suis moins convaincu par la petite aveugle. 

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