SYNOPSIS
Après une ultime tournée éprouvante, Aurélien choisit de s’établir au Japon avec sa femme Nanako, enceinte de leur premier enfant. Le jeune couple s’installe dans une maison traditionnelle au cœur de la campagne japonaise. Mais, en explorant les environs, Aurélien met au jour une armure ancienne dissimulée au fond d’un puits. Une découverte qui va libérer d’étranges créatures : les Yokaïs. Yoroï est un film français réalisé par David Tomaszewski, sorti en 2025.


NOTRE CRITIQUE
Ce qui frappe d’abord avec Yoroï, c’est à quel point Orelsan et son équipe continuent de faire les choses à fond. On sent immédiatement cette minutie, cette implication presque artisanale qu’ils mettent dans chacun de leurs projets. Rien n’est fait à moitié. Il y a ce goût du détail, cette envie de pousser un délire jusqu’au bout, de ne pas s’arrêter à la simple idée « cool ». On peut le constater particulièrement dans l’engagement dans les séquences de combat qui découlent de plusieurs mois d’entraînement. Même si elles ne sont pas toujours bien mises en scène et pas toujours lisibles, l’engagement et l’envie de bien faire donnent de la satisfaction à l’ensemble.
C’est cette détermination sans faille qui rend Yoroï aussi unique dans le paysage cinématographique français : un film qui assume sa folie douce, qui mélange les genres sans complexe, et qui respire la liberté. Il y a dans le film une vraie fraîcheur, une envie de bousculer les codes tout en rendant hommage à un certain cinéma d’aventure à l’ancienne. Ce curieux mélange de modernité et de nostalgie fonctionne étonnamment bien. Le film oscille entre les références rétro, avec ses effets spéciaux un peu datés, sa lumière ou sa bande-son, et une touche de modernité dans son attitude, son ton et son humour. Les effets numériques, d’ailleurs, ne sont pas toujours très beaux, mais ce n’est pas un défaut tant ils sont intégrés avec intelligence. Leur aspect un peu approximatif renforce justement cette esthétique bricolée, un peu VHS, qui évoque le cinéma fantastique des années 90. On pense parfois à Jumanji ou à certains films d’aventure à l’ancienne, où la sincérité primait sur la perfection technique. En termes techniques, justement, la réalisation est dynamique, le rythme est soutenu, et on retrouve cette esthétique typique des clips d’Orelsan. Mélange d’urbanité, de poésie et de second degré. L’humour, finement dosé, tombe juste. Il ne tire jamais le film vers la parodie, il sert au contraire à maintenir une distance bienveillante avec les situations les plus absurdes. Et c’est ce ton-là, entre sérieux et dérision, qui donne au film son identité. Même si, en fin de compte, la réalisation n’est pas toujours parfaite. Particulièrement quand le récit s’enferme dans une boucle interminable de sur-explications inutiles. On sent que le film a une certaine méfiance envers le spectateur, comme si le film craignait de ne pas être compris. Conscient d’être hors normes, la réalisation a tendance à trop vouloir expliquer ce qu’elle montre, devenant parfois trop infantilisante. Chaque idée passe par trois étapes : on la voit, les personnages la suggèrent, puis on nous l’explique. Un schéma répétitif qui finit par casser la spontanéité du récit. Cependant, cela ressemble davantage à de la maladresse provenant de l’envie de bien faire qu’à un véritable mépris. Cela contribue plus ou moins au charme approximatif du film, donc, on pardonne.

Ce qui est vraiment dérangeant, en revanche, c’est que Yoroï a du mal à trouver sa propre profondeur. Là où Comment c’est loin, son premier film, réussissait à utiliser la fiction pour parler d’Orelsan lui-même (ses doutes, sa singularité, sa peur de ne pas être à la hauteur), Yoroï reste un peu trop en surface. Le film joue avec des thématiques intimes, notamment autour de la santé mentale et du rapport à la célébrité, mais il les aborde toujours avec retenue, comme s’il refusait de s’y confronter pleinement. Ces sujets sont là, tapis sous le récit, mais ils ne sont jamais vraiment explorés. Orelsan, qui incarne une version fictionnelle de lui-même, semble cette fois ne pas vouloir se livrer. Il se cache derrière la mise en scène, derrière le ton, derrière l’humour. Là où Comment c’est loin assumait sa fragilité, Yoroï préfère la pudeur, une pudeur qui finit par frustrer. Une retenue qui se retrouve dans la structure même du film. Sa première partie, clairement la plus réussie, embrasse le côté aventure et fantastique avec une énergie communicative. On y retrouve des codes familiers (un problème, une quête, des obstacles) qui rappellent les films de notre enfance. C’est rythmé, drôle, sincère. Le spectateur se laisse embarquer sans effort. Puis vient la seconde partie, plus sombre, plus introspective, qui semble vouloir transformer le divertissement en réflexion. Mais ce virage casse quelque chose. Le film ralentit, tâtonne, se cherche. Les questions qu’il pose sur la peur, la solitude, la santé mentale, restent en suspens, jamais vraiment creusées. On sent la volonté d’aller plus loin, de proposer un sous-texte plus profond, mais tout s’arrête au bord du précipice. On aurait aimé qu’il ose davantage, qu’il creuse au lieu de contourner. Le résultat, c’est un ensemble inégal. En voulant passer du divertissement au drame, le film perd une partie de son élan. On perçoit l’ambition, on perçoit la sincérité, mais cela ne se concrétise jamais, et ce qu’on nous montre finit par générer une certaine distance émotionnelle.
Pourtant, malgré ses maladresses, Yoroï ne laisse pas indifférent. Il a cette audace rare de vouloir tout tenter : le rire, l’action, l’intime, le bizarre. Il échoue parfois, certes, mais il le fait avec sincérité. On ressort avec le sentiment d’avoir vu un objet de cinéma atypique, imparfait mais vivant.
EN DEUX MOTS
Yoroï séduit par son audace, son énergie et son esthétique singulière, entre modernité et nostalgie. On y sent la passion, la minutie et l’envie de bien faire. Mais derrière ce ton décontracté, le film peine à trouver une réelle profondeur, cachée derrière la fiction et l’humour. Trop pudique, parfois sur-explicatif et inégal dans son rythme, Yoroï reste un bel essai, sincère mais un peu frustrant.
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