CRITIQUE | FILM

L’ENLEVEMENT : au nom du père, et surtout du fils

Il est temps de plonger dans l'univers captivant de Marco Bellocchio avec son tout nouveau film. Un drame d'époque qui explore les méandres de l'âme humaine avec subtilité et intensité. Notre critique de 'L'Enlèvement'.

SYNOPSIS

En 1858, au sein du quartier juif de Bologne, les soldats du Pape font une descente chez la famille Mortara. Suite à l’ordre émanant du cardinal, ils procèdent à l’enlèvement d’Edgardo, leur fils âgé de sept ans. La raison invoquée est qu’il aurait été secrètement baptisé par sa nourrice alors qu’il était encore un nourrisson, et la loi pontificale est formelle : il doit recevoir une éducation catholique.

© L’Enlevement

Profondément ébranlés, les parents d’Edgardo entreprennent tous les moyens pour récupérer leur enfant. Soutenus par l’opinion publique de l’Italie libérale et la communauté juive à l’échelle mondiale, le combat des Mortara acquiert rapidement une dimension politique. Cependant, malgré la pression, l’Église et le Pape refusent de restituer l’enfant, consolidant ainsi leur pouvoir de plus en plus précaire.

NOTRE CRITIQUE

Le cinéaste Marco Bellocchio ne cesse de prouver qu’il vieillit comme un bon vin, et que même avec ses quatre-vingt ans d’existence, le goût de son cinéma reste toujours aussi surprenant. L’Enlèvement, c’est le film de la perfection. Un film dont on n’a pas grand-chose à reprocher si ce n’est qu’il est quand même très dense. En compétition au festival de Cannes 2023, ce nouveau long-métrage est de mon coté ma palme d’or de cette édition. Un film solide, indéniablement réussi et ô combien actuel, malgré l’époque qu’il met en scène. Marco Bellocchio maîtrise parfaitement son sujet et nous plonge dans une Italie sombre et véritablement malsaine quand on connait le contexte religieux très complexe de celle-ci. Cette Italie des années 1850 est divisée, et le pouvoir de l’église catholique prend énormément de place dans ce conflit. C’est par sa mise en scène magistrale que le réalisateur italien arrive à cerner ses personnages et les relations qu’ils entretiennent durant de longues périodes. D’ailleurs, disons le, même si la durée de 2h15 du film peut faire peur, il n’en est rien. Le film est très bien rythmé et l’on n’a pas le temps de s’ennuyer tant les informations sont nombreuses. 

© L’Enlevement

Le film aurait justement gagné en étant plus long et en prenant le temps de développer son époque et ses personnages qui en font parties intégrantes. Le film se termine avec cet amer sentiment que l’on aurait aimé en savoir plus. Une heure supplémentaire n’aurait pas été de trop. Mais rares sont les films aussi complexes que celui-ci de 2h20 à autant bien entretenir la relation qu’il a avec son public. De la musique, en passant par la mise en scène flamboyante en compagnie d’une photographie aux petits oignons ou de nombreux plans auraient leurs places dans les plus beaux musées parisiens, il faut le dire. Le film est une véritable œuvre d’art. Et cette œuvre d’art est appuyée par le jeu des acteurs. Le jeune Edgardo est bluffant de sincérité et son rival, interprétant le tyrannique pape est brillantissime. De son pan de l’histoire intéressant montrant la montée d’un antisémitisme diabolique relié à une famille touchante brisée, à celle d’un enfant attisant un peu trop la curiosité malsaine d’un représentant de Dieu, cet enlèvement est un choc de cinéma qu’il faut absolument voir en salles, tant le propos est important. 

EN DEUX MOTS

Du haut de ses 81 ans, Marco Bellocchio propose du cinéma de haute qualité. Magistralement orchestré, cet enlèvement est aussi malfaisant, qu’important à l’heure actuelle. En compétition au festival de Cannes 2023, ce nouveau film est de mon coté ma palme d’or de cette édition. A voir absolument

4,5

Note : 4.5 sur 5.


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(1 commentaire)

  1. Bellocchio magistral, je suis bien d’accord. Pour moi, le film est parfaitement dosé sur la durée. Certes, la fin et l’ellipse de dix ans accélèrent un peu les événements mais le propos reste centré sur le conflit de loyauté chez l’enfant. N’oublions pas le rôle fondamental de la musique de Capogrosso, admirable.
    On peut aussi se demander comment Spielberg, un temps attaché au projet de faire un Film sur cette affaire, aurait abordé le sujet.

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