CRITIQUE | FILM

JURÉ N°2 : Clint Eastwood tire sa révérence

Critique | Âgé de 94 ans, le cinéaste de Million Dollars Baby, Gran Torino, American Sniper, Sully ou encore Invictus, revient pour son ultime film. Le grand retour de Clint Eastwood, trois ans après le moyen Cry Macho. Cette fois-ci, son rôle n’est pas double, fini de jouer, il tire sa révérence comme il a commencé : caméra en mains.

SYNOPSIS


Justin Kemp est choisi comme juré parmi d’autres citoyens pour un procès de meurtre très médiatisé. Ce jeune marié, bientôt père, se retrouve rapidement face à un dilemme moral intense : il réalise qu’il pourrait bien être impliqué dans le crime. Devra-t-il se protéger ou se dénoncer ? Juré n° 2 est un film de procès américain réalisé par Clint Eastwood et sorti en 2024. Il est présenté à l’avant-première à l’AFI Fest.

© Juré N°2

NOTRE CRITIQUE

Le tout nouveau film de Clint Eastwood, grand cinéaste avec près de 70 films à son actif, dont une quarantaine réalisés par lui-même, suscite une grande attente. Après de nombreux westerns, drames, biopics cette fois-ci, il s’attaque au film de procès avec Juré N°2.

Dès les premières notes, on reconnaît la touche eastwoodienne. Premier plan assumé, avec en son centre la figure de la justice, la déesse Thémis, yeux bandés nous annonçant les prémices de l’histoire : une justice aveuglée, car détournée du véritable coupable. Un fil conducteur de ce faux film de procès, mêlant thriller et exploration psychologique. Une dualité incarnée par le fabuleux Nicholas Hoult, qui lui va beaucoup mieux que le non-crédible Renfield, ou en tant que Tyler dans l’oubliable The Menu. Le récit s’ouvre sur Justin Kemp, parfait citoyen, prêt à agrandir sa famille, dans un cadre faussement idéaliste où se cache un véritable conflit intérieur prêt à se réveiller. C’est donc progressivement et en suivant un fil blanc que Clint Eastwood déroule son tapis narratif, d’une lenteur imprégnable, jusqu’à attiser le moindre soupçon relatif à cette affaire de meurtre. Justin Kemp est-il le véritable coupable ou est-il innocent ? Cette question, Clint Eastwood la manipule avec une finesse psychologique, nous entraînant à devenir à notre tour les juges fictifs de cette histoire. Et la finalité brute de décoffrage, mais également très participatif dans sa liberté d’interprétation, est un coup de maître. Si et seulement si, on choisit de l’ajouter à la dernière séquence de verdict.

© Juré N°2

Et les conventions narratives, dans tout cela ? En choisissant un registre plus approfondi que dans Le Cas Richard Jewell et en plongeant au cœur du procès jusqu’à la psychologie de son narrateur, Clint Eastwood interroge les notions d’humanité et de justice sans véritable modernité. Oui, la justice est imparfaite. Oui, un avocat se doit de servir la justice sans empiéter sur son empathie. Oui, il y a de nombreuses affaires sont traitées trop rapidement, sans examen approfondi. Oui, nos institutions sont incapables, mais qu’en est-il de plus ? Visiblement, tout système possède ces failles, et cette histoire de féminicide n’est qu’un exemple de plus de l’incapacité judiciaire. Ici, la pertinence de Juré N°2 se retrouve dans l’écriture de notre anti-héros, à la fois bon samaritain et juré dans une affaire médiatisée, mais avec un passé trouble qui se révèle : ancien alcoolique. La démarche est inversée, Justin se met en position d’avocat dans le groupe des jurés et se focalise sur l’accusé pour l’innocenter dans un magnifique plan clin d’œil aux 12 hommes en colère. Le rapport de domination s’insère dans une indécision globale qui vient contrebalancer la suite de l’affaire. L’action devient verbale, et s’ajoute dans un jeu des vérités au détriment d’un rythme qui se laisse aller. Impossible d’oublier la performance de Toni Collette, qui se fond à merveille dans ce cadre austère et solennel. Mais est-ce véritablement le dernier film de Clint Eastwood, soyons aux aguets.

EN DEUX MOTS

Un thriller haletant qui se laisse déguster bouchée par bouchée, mais qui perd son goût par manque de peps. Clint Eastwood reste fidèle à son registre américanisé, sans jamais saupoudrer le tout d’une quelconque fraîcheur. Toni Collette et Nicholas Hoult livrent des performances justes et intenses.

3,5

Note : 3.5 sur 5.


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(3 commentaires)

  1. Je l’ai trouvé savoureux de bout en bout ce procès, et particulièrement bien mené par un vieux monsieur qui n’a apparemment pas fini de nous épater. Chez Eastwood, il est souvent question de rédemption, une tradition à laquelle ce « Juré n°2 » n’a pas l’intention de déroger. Sans être l’auteur du scénario, le réalisateur parvient avec adresse à habiter ses zones d’ombre et à les faire siennes.

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