CRITIQUE | FILM FESTIVAL DE CANNES

UN SIMPLE ACCIDENT : Palme d’or sans accroc

Critique | Fraîchement auréolé de la Palme d’or en mai 2025, Jafar Panahi sera également notre fier représentant aux Oscars avec son tout nouveau film. Tous les voyants sont au vert pour 'Un Simple Accident'.

SYNOPSIS


Vahid, mécanicien azéri au passé marqué par une détention en Iran, croit reconnaître dans un nouvel arrivant à son atelier l’un de ses anciens tortionnaires. Convaincu d’avoir retrouvé cet homme, il décide de se venger en l’enlevant et l’amenant dans le désert, prêt à commettre l’irréparable.

© Un Simple Accident

Mais rapidement, des doutes surgissent : l’homme, Eghbal, clame son innocence et certains détails semblent contredire la mémoire de Vahid. Pour faire la lumière sur la vérité, Vahid rassemble d’anciens codétenus afin qu’ils confrontent Eghbal. Ce groupe hétéroclite, marqué par leurs propres souffrances, oscille entre désir de revanche et quête de justice, confrontant leurs blessures passées à une réalité incertaine.

NOTRE CRITIQUE


Palme d’or 2025 presque décriée… et pourtant. Le cinéma iranien est de nouveau honoré sur la Croisette, et cette fois c’est Jafar Panahi qui en est la star (enfin). Réalisateur engagé, au point d’avoir été enfermé dans son propre pays pour ses films. Un Simple Accident est donc forcément un film politique, mais pour autant, il n’est jamais dénué d’humour. Fidèle à son art de l’équilibre, Jafar Panahi réussit encore à nous faire rire autant qu’à nous faire cogiter. Le cinéaste passionne avec ce dilemme moral qu’il met en scène avec une justesse implacable. Film simple, film efficace, film rafraîchissant. Tout un tas de qualificatifs qui seuls ne font pas grand-chose, mais regroupés, composent le cinéma de Jafar Panahi qui fait du bien. Encore une fois, il propose des personnages sensibles, meurtris dans leur chair par le poids du système oppressif iranien. Chacun a fait son deuil, jusqu’à ce que ce « simple accident » les renvoie brutalement à leur passé. Et c’est là que le récit est très malin : choisiront-ils de ressasser le passé par soif de justice (ou de vengeance) ?

© Un Simple Accident

Encore plus malin.. La manière dont Jafar Panahi maîtrise la tension de son intrigue, sans jamais relâcher l’accélerateur. Le spectateur reste dans le doute, rattrapé par ses propres codes moraux, tout en étant happé par cet appel de la violence qui s’exerce et qui, inévitablement, engendre encore plus de violence. Le traitement du « méchant ligoté » est d’ailleurs (encore une fois) une superbe idée du cinéaste iranien. Totalement passif, il est traîné d’un bout à l’autre de la ville, comme un boulet, ou plutôt comme un traumatisme qu’on porte et que les personnages se partagent. Jafar Panahi, fidèle à sa mise en scène directe et sans fioritures, va droit au but et ne cale jamais. Il s’efforce à montrer un visage de l’Iran authentique, sans artifices et sans embellissements de cinéma. Crescendo, on progresse dans un récit qui n’a pas vraiment de finalité ou de réponse, si ce n’est celle que cherchent les personnages sur eux-mêmes. Une introspection qui se matérialise dans une brûlante séquence nocturne, baignée d’un rouge vermeil, où éclatent tous les maux et tous les doutes. Mais si cela vous impressionne, attendez de voir la fin. La toute fin. Un dernier plan glaçant, où l’humour s’est stoppé net à la bande d’arrêt d’urgence.

EN DEUX MOTS

Avec un simplicité monstrueusement efficace, Jafar Panahi inverse les rôles de bourreaux et de victimes et propose une vraie réflexion sur l’acte de vengeance et sur les cicatrices du passé. Porté par un panache humoristique qui signe désormais son style bien à lui. Palme d’or 2025 amplement mérité.

4

Note : 4 sur 5.


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(1 commentaire)

  1. Le bourreau associé au boulet traumatique, j’aime beaucoup ce rapprochement. Panahi pose en effet la question de l’après, que faire de cinquante ans d’un régime traumatisant ?
    Et cela, il le filme sans oublier d’en rire parfois. L’équilibre est parfait, même si moins impressionnant que « les graines du figuier sauvage » l’an dernier.

    J’aime

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