Ca raconte quoi ?
Tout fraîchement sortie sur Netflix (mais surtout produite par Arte), la nouvelle série de Ziad Douediri fait beaucoup parler d’elle depuis quelques semaines. En même temps, elle traite d’un sujet assez complexe et très casse-gueule : un drame social lié à une situation professionnelle.Tout juste après notre belle crise des Gilets Jaunes. Enfin ça, c’est le pitch sur les premiers épisodes, mais on va vite se rendre compte que la série va plus loin dans le scénario. Bon, et il faut aussi le souligner, parce que c’est ce qui fait le plus de bruit : l’acteur principal de la série est Eric Cantona. Oui, le fameux numéro 7 de Manchester United qui met des High kick à des supporters pendant les matchs, aka The King. Et autant vous dire, ils ne l’ont pas choisi par hasard. Déjà, Eric Cantona a quelques prestations cinématographiques à son actif. Mais la vraie raison, c’est qu’il a la gueule de l’emploi. Enfin, surtout le très bon coup de tête, parce que c’est ce qu’il va faire pendant 80% de ses répliques : des coups de boule. Mais au final, c’est naturel pour lui, c’est le genre de mec à débarquer sur un plateau tv et dire qu’il pisse au cul à journaliste en face de lui. Mais ce n’est pas la seule star présente dans ce projet. Le réalisateur, Ziad Douediri, est déjà bien connu car il a travaillé avec Quentin Tarantino dans les années 90 . Il a également réalisé la série Baron Noir. A préciser, que la mini-série Dérapages est quant à elle une adaptation du roman « Cadres noirs » de Pierre Lemaitre.

Concernant le scénario, il est plutôt complexe, mais ne cesse d’évoluer au fil des épisodes. Au début c’est simple, le personnage principal Alain Delambre est un chômeur de longue date qui a dépassé la cinquantaine. En gros, il enchaîne les petits boulots d’intérim, joue à Candy Crush et Farmville toute la journée et publie ses scores sur Facebook. La situation commence à peser, vu qu’il doit payer le prêt de son appartement (qui est en piteux état, 0 étoile sur Airbnb). Alain est en fait un ancien DRH, c’est celui qui te demandait en entretien : « Alors pouvez-vous nous citer trois de vos défauts ? » Et toi, tu répondais bêtement : « bah obstiné, perfectionniste et trop pointilleux« . Apres toute cette inactivité, Alain Delambre commence à perdre pied. Et ses proches s’en rendent un peu compte, surtout depuis qu’il insulte son beau-fils à chaque repas de famille. Mais un beau jour, il répond à une annonce Linkedin. Mais une annonce un peu particulière parce qu’elle demande de mettre en scène un jeu de rôle de prise d’otage. Dans quel but ? Déterminer quel cadre de la grande société Exxya sera capable de mener à bien un plan de licenciement. Bon, on a vu mieux comme test de stress et de pression. Je ne sais pas si c’est très efficace de braquer un Beretta sur la tête de son Manager ou Directeur de la communication. Mais ne vous inquiétez pas, Alain Delambre va évidemment tout de suite accepter. Et je ne vous cache pas que ce personnage a aussi un petit problème avec la violence (Parfois, je me demande si le scénario n’est pas tout simplement la vie de Cantona s’il n’avait pas réussi dans le foot). Une pincée d’agressivité, le tout enrobé d’une dépression qui semble le mener vers le désespoir. En gros, on sent la situation explosive arriver le jour de l’entretien. Mais tout ça ce n’est que le début de la série..

Notre humble avis
Mon Dieu, le premier épisode est tellement laborieux. Heureusement, je me suis accroché car c’est au final une bonne surprise cette mini-série. Après l’introduction effectuée, on rentre très vite dans le vif du sujet. Et c’est à partir de là que la série prend son envol et devient enfin intéressante. Au global, c’est une bonne série. Bien menée, et avec un très bon choix du format (car plus d’épisodes auraient dilué le propos du film pour rien). Une première saison maîtrisée qui a su mettre en avant ses points forts.
Premièrement, le casting est malin. Au-delà d’être bons, les acteurs sont bien choisis. Eric Cantona dans le rôle principal est sûrement le meilleur choix possible. Et pourtant, ce n’est pas un acteur de formation. Mais il est excellent dans ce rôle et c’est à coup sur sa meilleure prestation à l’écran. Col de chemise remonté comme à Manchester, prêt à mettre des coups de latte aux PDG du CAC 40. Mais il y a d’autres prestations à relever. Alex Lutz est très bon également dans son rôle de Vincent Bolloré d’Exxya. Je vous rappelle quand même que ce type jouait une des meufs de Catherine et Lilliane dans le Petit Journal.. Les autres acteurs sont plutôt bons également, donc tout roule de ce coté-là. Autre point, la réalisation est plutôt maîtrisée et a du caractère. Beaucoup de plans en plongé pour montrer le poids qui pèse sur les personnages et leurs dilemmes. Des Jolies plans également en voiture ou lors d’un dialogue entre deux personnages enfermés (soit dans un bureau ou dans l’appartement d’Alain). Bref, une façon de faire qui donne du rythme aux séquences et est totalement adaptée avec le propos. Parfois, il y va un peu fort. La caméra qui virevolte comme un drone télécommandé dans une pièce de 5m2. Ça donne presque envie de vomir, et ça ne sert pas tout le temps à grand chose. Mais bon, au moins il tente des choses.

Enfin, le sujet du scénario. Alors, sur le papier c’est pas hyper sexy. Une affaire de chômeur senior accablé par les dettes et l’impossibilité de retrouver un emploi. Qui va du coup sombrer peu à peu dans une dépression et faire une grosse connerie. En tout cas, c’est à quoi on s’attend après avoir lu le synopsis et vu les deux premier épisodes. Sauf que le scénario prend rapidement une tout autre tournure. Je ne vais pas spoiler, ce n’est pas mon genre. Mais l’histoire décolle et prend une ampleur beaucoup plus thriller à partir du troisième épisode. Le personnage d’Alain Delambre devient plus charismatique et a plus de profondeur. L’intrigue est plus forte et on retrouve également certaines mimiques de réalisation déjà présentes dans Baron Noir. Avec une atmosphère plus pesante et d’autres enjeux pour les personnages.
Mais bon, le scénario n’est pas parfait. Et c’est une bonne transition pour aborder les mauvais points de cette mini-série. Bah oui, une prise d’otages pour tester ses cadres ? Bon ok, c’est pas si aberrant que ça, apparemment ça s’est même déjà fait en France.. Mais le plus étrange ceux sont les réactions de la famille d’Alain. Déjà, le mec leur dit à tous qu’il doit payer 25K€ pour obtenir le job de DRH. Et absolument tous les membres de la famille ne réagissent pas. Alors que donner de l’argent pour un travail c’est TOTALEMENT ILLÉGAL ! Et le comble, c’est que sa fille est avocate. La meuf n’est pas capable de comprendre que c’est une arnaque après cinq ans d’études en droit. Autant vous dire que c’est pas Saul Goodman ou Eric Dupond-Morreti qu’on a en face de nous. Bref, des inepties qui nous sortent un peu de la série. Et puis les scènes où Alain Delambre parle face caméra (le moment où il a le crâne rasé), c’est tellement surjoué. Ça veut se la jouer Thriller policier en mode Mesrines, pas très intéressant. Et dans ce registre-là aussi, bah il y a pas mieux que la fin. Avec un plan branlette qui nous laisse une ouverture sur la suite de l’histoire pour Alain. Mais qui, il faut le reconnaître, mais bien en perspective le parcours du personnage. Avec les grandes pertes misent en lumière concernant sa femme, sa famille, l’appartement..
Pour résumer, Dérapages est une mini-série très bien réalisée et maîtrisant son sujet. On tombe rarement dans la parodie ou dans l’exagération.Le scénario dispose de quelques twist permettant de mettre en haleine le spectateur et de le garder attentif jusqu’au dénouement final. Un ton assez sombre et des relations entre personnages compliqués viennent donner un peu d’épaisseur à l’histoire, toujours centré sur la situation d’ Alain Delambre et ses motivations. Des acteurs performants, un sujet récurant mais traité différemment et qui fera bel écho à toute la situation des Gilets Jaunes. Une réalisation qui prend également des risques, bref une série qui sur le fond et la forme remplit très largement le cahier des charges. En revanche, le sujet est casse-gueule, donc on assiste parfois à soit des réactions disproportionner des personnages ou des coquilles dans le scénario. Et Attention, l’intrigue policière prend le dessus dès le troisième épisode, ce qui ne va pas forcement plaire à tout le monde.
EN DEUX MOTS
Simplement la vraie vie de Cantona, s’il n’avait pas réussi dans le football. Des High-kick à des supporters et maintenant des coups de boule aux PDG du CAC 40, Eric Cantona ne s’arrête plus, mais délivre aussi sa meilleure prestation à l’écran. Une mini-série intéressante avec une réalisation et un scénario pleins d’ambitions.
3,5