CRITIQUE | FILM

BATIMENT 5 : Ladj Ly sauve les meubles

Après le triomphe incontestable du film 'Les Misérables', le réalisateur français Ladj Ly fait un retour percutant pour dénoncer le fléau du mal-logement et l'inertie des pouvoirs publics face à cette problématique. Notre critique de 'Batiment 5'

SYNOPSIS


Haby, une jeune femme particulièrement engagée dans les affaires de sa communauté, fait la découverte du récent projet de réaménagement de son quartier, élaboré en secret par Pierre Forges, un jeune pédiatre devenu maire.

© Bâtiment 5

Ce plan prévoit la démolition de l’immeuble où Haby a grandi. En compagnie de sa famille, elle s’engage dans une lutte acharnée contre la municipalité et ses ambitions démesurées afin d’empêcher la destruction du bâtiment 5. Bâtiment 5 est un film français réalisé par Ladj Ly, il est présenté en avant-première au festival international du film de Toronto 2023.

NOTRE CRITIQUE

Porté par le triomphe du film Les Misérables en 2019, Ladj Ly poursuit son parcours en tant que jeune réalisateur en explorant un nouveau sujet crucial pour les banlieues. Dans Bâtiment 5, il s’engage résolument contre le fléau du mal-logement, dénonçant les manœuvres politiques locales mesquines, et surtout, les insuffisances persistantes depuis cinquante ans.

Le projet porte un intérêt certain à cette période de l’année, où le froid glacial s’abat comme une calamité sur les expulsés et les mal-logés. Mais à l’intérieur de ce nouveau long-métrage, Ladj Ly étend aussi son champ d’exploration vers de nombreux autres sujets, peut-être même un peu trop.. Il y a à boire et à manger dans Bâtiment 5, mais à trop vouloir en faire, le cinéaste sous-exploite le potentiel de chacune de ces thématiques. Certains sujets sont parfois survolés, balancés au milieu du film pour avoir le mérite d’être cités, mais jamais réellement développés. Rapidement, la frustration de ne pas aller au bout des choses se fait sentir. Ladj Ly expose, mais ne creuse pas, et le spectateur accumule des informations sans véritable structure narrative solide autour. Ce qui n’est pourtant pas le cas durant les trente premières minutes du film. Là où la maîtrise est présente, où le contexte est posé de manière intelligente, promettant une intrigue captivante pour tout le monde. On y trouve d’ailleurs l’une des séquences les plus fortes de l’année, lorsque Haby descend le cercueil de son père qui s’entrechoque dans la cage d’escaliers désuète et étroite du bâtiment 5.

© Bâtiment 5

En réalité, ce nouveau film commence comme Les Misérables, mais finit comme Athéna. Là où le génie de Ladj Ly prenait forme dans son premier film, c’était dans l’équilibre parfait entre une intrigue dramatique et de l’émotion contagieuse. Ici, le bâtiment refroidit tout le monde et les protagonistes semblent cantonnés à leur rôle du début à la fin. Donnant parfois des caricatures plus proche des sketchs du Palmashow que du septième art. Même si tout n’est pas manichéen, Ladj Ly peine à transcender son récit, la faute à un scénario trop didactique aux airs de faux documentaire. Pourtant, le script a plus de potentiel sur le papier que Les Misérables. Il n’est franchement pas aidé par des dialogues parfois trop écrits, surtout lors de séquences clés où l’image dit tout et où les mots viennent pourtant expliciter inutilement. Cependant, Bâtiment 5 est une véritable réussite du point de vue technique. La photographie est excellente, avec des tonalités grises rappelant les murs de béton qui nous entourent, ainsi que des nuances orange/feu pour annoncer la confrontation. Enfin, la réalisation offre des plans marquants, notamment en séquence d’introduction, comme évoqué précédemment. Mais aussi lors de la scène d’expulsion, où les habitants jettent tout leur attirail par les fenêtres, donnant l’impression de voir un navire en plein naufrage. Malheureusement, la conclusion étonnante vient ternir ces points appréciables. D’abord, car l’évolution du personnage de Blaz est mal construite pour en arriver là, mais aussi en termes de message. Comme si deux types de persona des banlieues s’opposaient, celui de Blaz et celui d’Haby, venant presque contre-carrer Les Misérables sur ce point.. 

EN DEUX MOTS

Malgré de belles promesses, et surtout le traitement d’un sujet de premier plan, ce nouveau projet de Ladj Ly perd en intensité en survolant trop de thématiques sans jamais les développer judicieusement. Là où les personnages des Misérables nous procuraient des émotions, ceux-là sont froids comme la façade du Bâtiment 5. 

2,5

Note : 2.5 sur 5.



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(2 commentaires)

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